L’agression russe sur l’Ukraine, en rappelant aux Etats et aux habitants de l’Union Européenne la nécessité de renforcer leur défense militaire contre une éventuelle agression sur ses frontières Est, a placé sous les feux de l’actualité les Etats baltes (Lituanie, Lettonie, Estonie), annexés par l’URSS en 1940, qui n’ont recouvert leur souveraineté qu’en 1991. La situation de la bande de terre de 35 km de large assurant la continuité géographique entre la Pologne et la Lituanie, retient tout particulièrement l’attention : dénommée « corridor de Suwalki », elle sépare l’exclave russe de Kaliningrad de la Biélorussie, constituant un « maillon faible » dans le système défensif de l’OTAN.

C’est en réalité depuis bien longtemps que cette zone se trouve au cœur d’enjeux géopolitiques importants, faisant intervenir des acteurs non seulement russes, mais également polonais, allemands et même français : la Lituanie entretient en effet avec notre pays des rapports privilégiés remontant au XVIème siècle, lorsque Henri de Valois – frère du Roi Charles IX et futur Henri III – devient, pour quelques mois, roi de Pologne et grand-duc de Lituanie, sous le nom d’Heñrikas Valuã (1573). La France occupe de nouveau une place majeure dans l’histoire lituanienne à l’époque napoléonienne, avec la formation en 1806 du « duché de Varsovie » sous protectorat français, englobant les territoires lituaniens situés à l’ouest du Niémen. Quatre ans plus tard, lors de la Campagne de Russie (1812), Napoléon fait espérer le rétablissement de l’indépendance au reste de la Lituanie, libérée de la domination russe qu’elle subissait depuis 1795 et le troisième partage de la « République polono-lituanienne des Deux Nations ». Les Napoléonas, sorte de millefeuilles proposés par les pâtisseries de Vilnius, témoignent toujours de cette francophilie. Au XXème siècle encore, au lendemain de la première guerre mondiale qui voit la résurrection de la Lituanie sur la scène internationale, l’amitié pour la France est puissamment réactivée par le choix que fait la jeune république, de nommer pour son premier « représentant diplomatique » à Paris, l’écrivain et poète francophone Oscar de Milosz, parent de Czeslaw Milosz, futur prix Nobel de littérature. La force des liens franco-lituaniens se manifeste une nouvelle fois lorsque la Lituanie redevient indépendante suite à la chute du bloc soviétique : lui sont ainsi restituées, en septembre 1991, plus de 2200 tonnes d’or confiées dans les années 30 à la banque de France, notre pays n’ayant jamais reconnu en droit l’annexion des Etats baltes par l’Union Soviétique.